Le petit bleu de la côte ouest

LE PETIT BLEU DE LA CÔTE OUESTManchette / Tardi

Cette exposition, réalisée par la galerie Oblique, remet l’adaptation littéraire et le roman noir au goût du jour où Tardi excelle particulièrement. L’exposition propose les 74 planches originales en noir et blanc de l’une des oeuvres majeures de Manchette, Le petit bleu de la côte ouest. Quai des Bulles présente pour la première fois l’intégralité d’un livre de bande dessinée.

Quand écriture et dessin ne font plus qu’un.

Tardi est un auteur atypique. Son style est inimitable, de par le fait même qu’il dessine comme il écrit ; comme il respire ; avec le même instinct. En effet, son trait ne s’applique pas à suivre méthodiquement un crayonné préparatoire précis, académique et sophistiqué, il suit directement sa pensée. Le crayon n’est là que pour mettre en place les masses et les volumes, dans l’unique but de trouver ainsi un équilibre parfait entre le cadre, les personnages et les bulles. Chez Tardi, tout se passe avant, tout se pense avant. L’auteur réfléchit longuement à ce qu’il veut, à ce qu’il voit, à ce qu’il envisage. Lorsque sa pensée est tout à fait claire, alors il commence à dessiner et les pages éblouissantes de dextérité se succèdent avec une rapidité exceptionnelle. C’est sans doute cette singularité-là qui crée le style Tardi. Une passion presque maniaque pour les décors, les costumes et les détails le conduit à rassembler dans un premier temps une solide documentation, puis à prendre tranquillement le temps de digérer celle-ci pour vite l’oublier avant d’en devenir l’esclave. Ce que l’auteur cherche, c’est avant tout l’efficacité, la précision et la justesse. L’histoire doit absolument maintenir son rythme en restant la plus proche possible du scénario de base, fusse-t-il de lui-même ou d’un autre auteur…

Chez Manchette, le texte est souvent sec, voire raide, sans rondeurs inutiles. Pas de fioritures. « Rien de spectaculaire dans son écriture », confie Tardi lui-même. Le style du romancier puise alors dans sa sobriété une efficacité redoutable. Un rythme de narration posé sur une partition parfaitement orchestrée, presque maniaque. Une apparente platitude dans les premières pages, puis soudain c’est l’explosion. Un orchestre symphonique au grand complet !…

On comprend alors beaucoup mieux comment le tandem Manchette-Tardi a su si bien fonctionner. Les deux auteurs ont bâti leur collaboration et leur passion sur les mêmes bases, avec une obsession chronique partagée et un seul objectif commun : aller à l’essentiel !
A revisiter l’oeuvre si singulière de ce couple du 9ème art, on ne peut que regretter la disparition de Manchette en pensant à tous ces récits qui auraient pu encore voir le jour…